Dans la peau d'un - très modeste - membre de jury littéraire Les fidèles lecteurs de ce blog auront certainement noté que depuis quelques semaines, les lectures dont je vous fais part font partie de la sélection pour le Prix de révélation du site auFeminin.com. Pour celles et ceux qui n'auraient pas suivi l'affaire, je devais avec les autres membres du jury (dont les blogueuses Clarabel, Emma et Zoridae) lire quinze romans (en six semaines...) et sélectionner quatre romans parmi les quinze en compétition. Les quinze livres en lice étaient : - "Les mains nues" de Simonetta Greggio, aux éditions Stock - "Un bonheur insoupçonnable" de Gila Lustiger, aux éditions Stock - "Le film" de Cypora Petitjean Cerf, aux éditions Stock - "Traques" de Frédérique Clémençon, aux éditions L'olivier - "Enterrez-moi sous le carrelage" de Pavel Sanaïev, aux éditions Les Allusifs - "Marilou sous la neige" d’Angie David, aux éditions Leo Scheer - "La locataire" d’Hilary Mantel, aux éditions Joëlle Losfeld - "Il était une fois peut-être pas" d’Akli Tadjer, aux éditions JC Lattès - "Surdouée" de Nikita Lalwani, aux éditions Flammarion - "Mausolée" de Rouja Lazarova, aux éditions Flammarion - "Monsieur Madone" de Maïté Bernard, aux Editions du passage - "Les Âmes fardées" d’Aurore Guitry, aux éditions Calmann Levy - "Made in China" de J-M Erre, aux éditions Buchet – Chastel - "Une partie du tout" de Steve Toltz, aux éditions Belfond - "Le dernier patriarche" de Najat El Hahmi, aux éditions Actes Sud Je me suis donc consciencieusement attelé à la tâche. J'ai beaucoup lu et beaucoup pris de notes ces dernières semaines. J'ai tenu bon (avec un emploi du temps bien rempli, lire ces 15 livres dans les temps a nécessité de diminuer un peu mon temps de sommeil...) et finalement est arrivée l'heure du choix... Et le choix ne fut pas si facile... Que privilégier : la qualité de l'écriture ? l'originalité du style ? l'intérêt ? l'intrigue ? le rythme ? l'émotion ? le simple plaisir ? Bref, il a fallu tancher, et hier soir, à minuit, j'ai envoyé un mail à auFéminin.com, avec les quatre romans qui pour moi méritent le plus récompense et qui sont, par ordre de préférence : "Une partie du tout" de Steve Toltz, "Mausolée" de Rouja-Lazarova, "Le film" de Cypora Petitjean-Cerf et "Un bonheur insoupçonnable" de Gila Lustiger. Je n'ai pas encore rédigé de fiche de lecture sur le roman de Steve Toltz, pour la simple raison que j'ai conclu mes lectures ( hier soir, de justesse) avec ce long (et excellent, et incroyable) roman. Finalement, je n'ai eu aucune hésitation à choisir le roman de Steve Toltz. Pour les autres, j'hésitais entre "Mausolée", "Le film", "Un bonheur insoupçonnable", "La locataire" de Hilary Mantel et "Enterrez-moi sous le carrelage" de Pavel Sanaïev. J'aurais également pu ajouter à cette liste "Traques" de Frédérique Clémençon si le style avait été le seul critère de sélection. Cette expérience de - modeste - membre de jury littéraire a été très enrichissante, m'a permis de faire de belle découvertes et surtout de lire des auteurs que je n'aurais certainement pas lu spontanément. J'ignore qui a dressé cette liste de quinze romans, et sur quels critères elle a été effectuée, mais il s'agit d'une liste pertinente, dont vous pouvez sans crainte vous inspirer pour enrichir votre propre liste de lecture... De quoi parlent les blogs littéraires ? Voici une représentation graphique des mots les plus employés sur les blogs littéraires. L'échantillon utilisé pour réaliser ce joli nuage est composé des 100 premiers blogs de la catégorie Littérature du classement Wikio, passés à la moulinette par Jean Véronis et un développeur de Wikio. Cliquer sur l'image pour l'agrandir Sans surprise, on parle de livres, de romans, d'histoires et d'auteurs sur les blogs littéraires. Curieusement, aucun nom d'auteur n'apparaît : je m'attendais par exemple à trouver Austen ou Meyer, deux auteurs très citées sur les blogs de lecture, mais il n'en est rien. Dernière remarque, ebook et livre électronique ne font pas encore partie de notre vocabulaire courant : le blogueur littéraire, pourtant à l'aise avec l'informatique, semble être encore attaché au bon vieux livre papier, à moins qu'il n'accorde tout simplement plus d'importance au fond qu'à la forme... La locataire - Hilary Mantel Colin et Sylvia habitent avec leurs enfants une ancienne maison londonienne chargée d'histoire. Ils ont à leur service depuis peu Lizzie Blank, une femme de ménage un peu excentrique, mais dévouée. Ils ignorent cependant que Lizzie Blank est également connue sous le nom de Muriel Axton, et qu'elle habitait dix ans plus tôt cette même maison, avec sa mère. Ils ignorent également que Muriel Axton est sortie depuis peu d'institution psychiatrique, et qu'elle nourrit à leur égard de bien funestes desseins... Hilary Mantel réussit avec "La locataire" à créer une atmosphère véritablement oppressante, tout en glissant çà et là quelques touches d'humour, noir le plus souvent. Les personnages sont bien campés, surtout celui de Muriel Axton qui fait vraiment frémir. Lorsqu'elle veut nous faire ressentir le fonctionnement chaotique de l'esprit dérangé de Muriel, Hilary Mantel adapte judicieusement son écriture, qui perd temporairement sa fluidité et devient heurtée, brutale, confuse. Elle parvient également à nous faire hésiter longtemps sur l'attitude à adopter envers ce personnage ambigu - compassion, pitié, méfiance, dégoût, horreur ? - et propose une réflexion sur l'apparence, sur notre manière de juger notre entourage. Suggérée ou assumée, la violence est l'un des autres thèmes importants de ce roman. Elle en définit d'ailleurs presque à elle seule le genre : on est pas loin du thriller. Peut-être en est-ce un d'ailleurs. "Il semblait absurde de penser que Florence, avec ses gilets torsadés, puisse avoir une personnalité violente. Mais il savait, pour l'avoir lu dans les journaux, que tout le monde avait ses profondeurs obscures. Il n'y avait pas plus intransigeant, pour parvenir à ses fins, qu'un militant en faveur de la paix. Aux États-Unis, les détracteurs de l'avortement dynamitaient des cliniques." Autres sujets largement abordés dans le roman : la famille et le couple. L'un comme l'autre sont ici considérés comme un chemin de croix. Les enfants sont tous plus ou moins paumés, et Colin et Sylvia, leurs parents, passent leur temps à sauver les apparences et à recoller les morceaux de leur amour déliquescent : "Est-il possible, se demandait Colin, que j'aie un jour véritablement aimé Sylvia ? Mon coeur battait-il plus vite à son approche ? Et pas seulement de peur ? Depuis la débâcle survenue dix ans plus tôt, Colin en était venu à se dire que l'amour romantique était un concept fabriqué, une invention du dix-huitième siècle." Alors, une réussite ce roman ? Pas tout à fait en fait. J'ai vraiment apprécié le style, l'humour, les digressions, cette façon de présenter l'intrigue et les personnages, mais certains passages (les déboires familiaux et conjugaux de Colin et Sylvia notamment) m'ont semblé un peu moins forts, peut-être un peu trop longs, et surtout, la fin est vraiment déconcertante... Un mot sur la quatrième de couverture : le roman y est comparé à la série Desperate Housewives... Marketing, bien sûr, mais la comparaison est-elle justifiée ? Oui, par la complexité des personnages et cette façon de jouer avec nos convictions (et nos nerfs). Non, par le nombre de protagonistes (la série met en scène plusieurs familles, la galerie de personnages me semble plus riche) et par le dénouement, un peu moins convaincant. Hilary Mantel et l'auteure de neuf romans, dont trois traduits en français : "Changement de climat" (1997), "Fludd" (1998) et "C'est tous les jours la fête des mères" (2002). Une auteure assurément douée, à découvrir et à surveiller... "La locataire" de Hilary Mantel(2009) Editions Joelle Losfeld, 295 pages, 25 € Un roman lu dans le cadre du Prix de la Révélation auFeminin.com Enterrez-moi sous le carrelage - Pavel Sanaïev Sacha Saveliev vit à Moscou chez ses grands-parents et ne voit sa mère que rarement depuis qu'elle a refait sa vie avec un artiste. Sacha, comme tout les garçons de son âge, passe le plus clair de son temps à jouer et à rêver. Mais sa santé fragile lui vaut l'attention constante de sa grand-mère Nina, qui oeuvre énergiquement pour empêcher le "pourrissement" de son petit-fils... Quel effrayant personnage cette grand-mère ! Si vous essayez de vous la représenter comme un vague clone russe de Tatie Danielle, sachez que vous êtes encore loin du compte... Cette grand-mère-ci vocifère et jure comme un charetier, et entre deux malédictions affuble son petit protégé d'aimables sobriquets tels que "débile", "ordure" ou "charogne", sa préférence allant sans conteste pour "salop" : "Tu as transpiré... Très Sainte Mère de Dieu, protège-nous, il a sué, ce salaud ! Mon Dieu, sauve-le, épargne-le ! Mais maintenant, espèce de créature, tu vas en prendre pour ton grade !". (p.29) Une grand-mère vraiment effrayante, dont les rares manifestations de tendresse font presque autant frémir que les colères : "Les baisers de grand-mère provoquaient en moi un haut le coeur et, arrivant à peine à me retenir pour ne pas vomir, j'attendais, avec une exaspération extrême, que ce froid humide cesse de ramper sur mon cou [...]." (p.203) Etonnamment, le jeune Sacha, qui est aussi le narrateur de cet étrange récit, semble pourtant assez insensible aux accès de violence de son acariâtre grand-mère, et laisse passer les orages avec un détachement parfois surprenant. Il est bien sûr malheureux lorsqu'il fait les frais de la mauvaise humeur matriarcale, mais cela ne dure jamais et son optimisme reprend toujours le dessus. Enfermé dans une prison d'affection étouffante, il parvient à s'échapper à force d'imagination et de jeux d'enfants. Et dans ce maelström de jurons et de colères, se détache comme une icône (n'oublions pas que nous sommes en Russie...) la figure apaisante de la mère chérie : "Grand-mère était ma vie, maman une fête exceptionnelle." (p.223) Un roman étonnant, mélange d'absurde, d'humour, de tendresse et de violence, bien écrit, même si le flot ininterrompu d'insultes peut un peu lasser à la longue. On ne peut qu'espérer pour Pavel Sanaïev que ce récit ne soit pas trop autobiographique... "Enterrez-moi sous le carrelage" de Pavel Sanaïev (2009) Les Allusifs, 266 pages, 23 € Un roman lu dans le cadre du Prix de la Révélation auFeminin.com Made in China - J.M. Erre Si comme je l'ai d'abord cru en lisant le titre de ce roman, vous vous imaginez que "Made in China" est une réflexion sur notre société de consommation et ses relations économiques avec la Chine, autant vous dire tout de suite que vous êtes totalement, mais alors totalement à côté de la plaque... "Lecteur curieux qu'un hasard bienveillant a conduit jusqu'à ces lignes, je préfère vous avertir tout de suite : je ne suis pas écrivain. Mis à part quelques cartes postales à la famille, des lettres d'insultes aux impôts et des listes de courses, je n'ai rien écrit depuis les poèmes lyrico-acnéiques de mon adolescence." La citation ci-dessus n'est rien de moins que le début du roman. Pour l'avoir lu de bout en bout, je vous confirme que l'auteur n'est pas vraiment un écrivain au sens habituel du terme, et que ce roman est au minimum atypique. En fait, c'est un peu n'importe quoi pour être exact, mais tout de même plutôt rigolo, ce qui est la moindre des choses pour un livre dont le but principal est de divertir le lecteur. Pour vous donner encore un petit aperçu, voici un extrait qui m'a bien fait rire (je sais, je suis très bon public) : "La pièce était plongée dans le noir. Toussaint s'avança d'un pas inquiet. Puis il se souvint qu'il était entré les yeux fermés, alors il les ouvrit." Livre amusant donc, surprenant également quand l'auteur fait irruption dans l'histoire pour interpeller le lecteur, lui proposer des variantes de scénarios ou lui rappeler de manière très aimable une référence de page. Il va jusqu'à proposer un résumé du roman en annexe, résumé qui appelle deux remarques : 1. ça a déjà été fait par Desproges, et considérant le style de l'auteur, j'ai du mal de croire qu'il n'en ait pas eu connaissance. Cela sent donc le plagiat éhonté... 2. je tiens à avertir les blogueuses et blogueurs fainéant(e)s qui auraient l'intention de faire l'économie d'une lecture et de se baser sur ce résumé pour écrire un billet sur le livre, que ledit résumé est totalement fantaisiste et ne correspond pas du tout au récit, ce qui assez fourbe, il faut bien le reconnaître, et témoigne assez bien de l'esprit retors de l'auteur. Bref, un livre à réserver pour un moment de grosse déprime, ou pour le premier jour des vacances à la plage. Pas exactement le genre de roman que l'on imagine recevoir un prix littéraire (si vous voyez ce que je veux dire...), ou alors le Prix de la révélation comique... "Made in China" de J.M. Erre (2008) Buchet-Chastel, 280 pages,18 € Un roman lu dans le cadre du Prix de la Révélation auFeminin.com A lire également : l'avis de Clarabel. Mausolée - Rouja Lazarova Milena est Bulgare. Elle a 20 ans à la chute du régime communiste, en 1989. Elle a connu cette période sombre de la Bulgarie, avec ses peurs, ses absurdités, mais dans une version plus édulcorée que celle qu'ont connue ses parents et grands-parents. "J'aurais voulu vivre ce régime comme ma mère, entièrement, jusqu'au moindre rouage, jusqu'à la moindre nuance du dégoût et de la peur, jusqu'à son plus odieux mensonge et sa plus misérable bassesse." Alors, elle retrace l'histoire de sa famille. Trois générations de 1944 à nos jours. Un demi-siècle de communisme. Et Milena s'aperçoit à quel point il est difficile d'écrire l'histoire du communisme... "Mausolée" est à la fois une passionnante leçon d'histoire sur la Bulgarie et un témoignage d'amour sensible d'un enfant envers ses parents. La première partie du roman, la plus importante, couvre la période de 1944 à 1989 et correspond à l'ère communiste. C'est d'abord une période de violence et de règlements de compte arbitraires, puis une ère de peurs et de frustrations. Avec les années, on ressent le délitement progressif du régime, l'étau qui se déssère, mais la prudence demeure. On se méfie de tous et de tout, jusqu'au téléphone, "cheval de Troie du socialisme". La paranoïa est généralisée, mais c'est une forme de survie, car ils (l'auteure emploie systématiquement cet italique pour désigner les membres du parti) peuvent frapper à tout moment : "La vraie terreur frappe arbitrairement". C'est une ère absurde de bureaucratie ubuesque, de temps perdu : "Se résigner au travail futile était une des conditions de survie de l'homme socialiste". Pendant cette période, la famille de Milena, en "funambule du socialisme" survit, entre rébellion discrète et soumission. Le mélange de haine et d'ironie qu'inspire cette époque à la narratrice se ressent jusque dans l'écriture : "Dans les années soixante, les choses changent imperceptiblement. [...] Ça commence à déconner." La dernière partie du roman, plus courte, correspond à l'après-communisme, aux années 90. C'est l'apprentissage laborieux de la liberté, mais aussi le temps des désillusions, avec l'avènement des mafias et de l'argent-roi. C'est une partie un peu plus confuse, à l'image de la période. "Mausolée" est un roman vraiment intéressant, bien écrit, bien construit, sensible, bref, une vraie réussite. "Mausolée" de Rouja Lazarova (2009) Flammarion, 331 pages,19 € Un roman lu dans le cadre du Prix de la Révélation auFeminin.com Traques - Frédérique Clémençon Pas facile ce roman. Une écriture élégante, parfois poétique, parfois hallucinée avec des phrases d'une longueur à couper le souffle, mais une construction un peu déroutante avec des chapitres se suivant sans logique apparente, écrits à la première personne par chacun des quatre personnages principaux. On cherche un lien entre ces personnages, on s'attend au fil des pages à ce que leurs chemins se rencontrent, mais il n'en est rien. Tout au plus, leurs histoires parfois se croisent. Quatre personnages, quatre destins, quatre attitudes face à un monde moderne perçu comme un rouleau compresseur face auquel la fuite est souvent la seule réponse possible pour les plus faibles d'entre nous. Un constat plutôt pessimiste... "La vieillesse est un naufrage. Pas de doute la-dessus." (p. 50) "C'est un rêve que je fais chaque nuit. Des sacs de sable tombent d'une nacelle et je me dis que ce sont des morceaux de ma vie qui s'en vont, qui se perdent et que c'est ainsi que nos vies se défont: une marée grouillante de visages et de voix, des colonies de souvenirs abandonnés et pour finir nos corps dépouillés." (p. 84) Une fois n'est pas coutume, le roman étant plutôt difficile à résumer, je vous livre la quatrième de couverture afin de vous donner un aperçu de l'histoire : "Quatre personnages sortent du silence pour raconter leur histoire. Anatole, chassé de son pays natal, survit en errant d'usines désaffectées en marais orageux. Jeanne, qui étouffait dans une famille mortifère, a pris la fuite. Elisabeth s'étiole dans une maison de retraite indifférente au sort des pensionnaires et Vincent, cadre sans cesse évalué, se retire peu à peu du monde de l'entreprise. Tous sont exclus, tourmentés, pressés de rendre des comptes ou de s'effacer sans bruit. Mais tous, aussi, ont le désir de résister, de ne pas se soumettre à ces sociétés qui tuent à petit feu, classent et traquent sans merci." "Traques" de Frédérique Clémençon (2009) Editions de l'Olivier, 160 pages,16 € Un roman lu dans le cadre du Prix de la Révélation auFeminin.com "Satisfait ou remboursé" : pour les livres aussi ? Si vous doutiez encore que le livre était une marchandise comme une autre, je vous conseille de regarder attentivement les étiquettes sur certains livres de poche des éditions 10/18 en vente actuellement. Vous pourrez y lire en gros caractères, comme sur le premier paquet de lessive venu, la mention : "Vous serez conquis ou remboursé"... Avant de vous ruer chez le premier libraire venu, sachez tout de même que cette opération n'est valable que sur quelques livres de l'éditeur (dont "Torturez l'artiste !" de Joey Goebel), qu'elle est limitée dans le temps et qu'il vous faudra justifier par quelques lignes la raison de votre insatisfaction. L'éditeur reste prudent en ne proposant le remboursement que sur quelques livres, mais l'opération reste tout de même assez audacieuse, et l'on se plait à imaginer ce que cela pourrait donner si elle était déployée à plus grande échelle... Edit. du 10 avril : un billet presque synchro avec celui d'InColdBlog ! Les âmes fardées - Aurore Guitry "Les âmes fardées" (à ne pas confondre avec "Les âmes brulées" de Andrew Davidson, que l'on peut voir sur les présentoirs des librairies en ce moment, ou "Les âmes mortes" de Gogol ou "Les âmes grises" de Claudel ou "Les âmes vagabondes" de Stephenie Meyer... bon d'accord, j'arrête) est le deuxième roman de Aurore Guitry, après "Les petites morsures", paru en 2007. Je pensais que ma vision de Bangkok, une ville de moiteur et de lascivité, était un peu caricaturale. Si j'en crois l'image que renvoie de cette ville "Les âmes fardées", ma conception de Bangkok semble tout à fait conforme à la réalité. On ne peut de plus reprocher à Aurore Guitry le moindre manque de documentation, puisqu'elle a fait plusieurs séjours en Thaïlande, y a passé une partie de son enfance, et doit donc connaître son sujet. Certains passages au début du roman ne cachent pas beaucoup leur volonté d'instruire le lecteur occidental : "Nous les Thaïs, avons la peau lisse." Le roman est articulé autour de trois personnages et de trois époques, ce qui oblige le lecteur à un minimum de concentration dans les premiers chapitres et autorise l'éditeur à nous affirmer dans une quatrième de couverture enthousiaste comme il se doit que le roman est "superbement construit"... L'action se déroule à Bangkok, en 1984, en 1986 et en 2006. Les trois personnages principaux sont le jeune Phon, la prostituée Dokmaï, et un mystérieux "homme masqué" (désigné comme tel de multiples fois dans les chapitres le concernant, un effet de style, mais une répétition un peu lassante après plus de 300 pages...), vivant reclus dans le Bangkok contemporain. Pas besoin d'être sorcier pour deviner que les destinées (tragiques, pour ne rien vous cacher) de ces trois personnages se rejoindront d'une façon ou d'une autre à la fin du roman, mais le supsense est suffisamment bien mené pour que l'on poursuive la lecture de ce long roman jusqu'à son terme. Le moteur de la curiosité me semble important dans un roman tel que celui-ci, car si le style classique et limpide d'Aurore Guitry n'est pas désagréable, certaines scènes de violence (les scènes pendant lesquelles le jeune Phon est battu par son frère, et d'autres scènes encore que je ne peux décrire ici sans déflorer le récit) tiennent tout de même de la descente aux enfers. En ce qui me concerne, le moteur de la curiosité a fonctionné, mais j'ai peu adhéré à ce personnage de maquilleur mono-maniaque peignant sur les visages des symboles et autres emblèmes, un personnage secondaire dans le récit, mais sur lequel est bâti tout le roman, un personnage bizarre qui m'a laissé dubitatif, mais qui semble avoir fasciné l'auteur. "Les âmes fardées" de Aurore Guitry (2009) Calmann-Lévy, 378 pages,18 € Un roman lu dans le cadre du Prix de la Révélation auFeminin.com. 29 mars 2009 Le film - Cypora Petitjean-Cerf A Marqu-en-Baroeul, petite commune du Nord de la France, Ruth, l'institutrice, ne supporte plus ses élèves. Pour ne pas devenir "maboule", elle décide, avec sa voisine Gisèle, de tourner un film qu'elles présenteront au Festival international du film documentaire de Marseille. Une expérience qui va chambouler la vie de Ruth et de son entourage... En lisant les premières pages du Film de Cypora Petitjean-Cerf, j'ai d'abord cru à une plaisanterie. Voici un petit extrait de dialogue, afin que vous compreniez ce qui a pu justifier un tel sentiment : "Et c'est reparti ! vociféra Gisèle. Tu pluques ! - J'pluque pô. - Menteux ! T'as tout poussé sul' côté. J'suis pô guindoule, hein ! Mange ou t'auras affaire à moi !" Ces pittoresques dialogues, après le succès phénoménal du film "Les Ch'tis", forcément, ça sent un peu la récupération. Que le personnage principal soit fraîchement débarqué dans le nord, et qu'un autre travaille comme par hasard à la Poste, n'arrange rien. Du coup, ce n'est pas sans une certaine ironie que j'ai lu les premières pages de ce roman, y voyant d'abord une intérprétation un rien suspecte du film de Dany Boon... Et pourtant, je me suis peu à peu familiarisé avec des personnages truculents et sensibles, voire fascinants. J'ai beaucoup ri aux frasques de Gisèle et Juan, ces Bidochon picards s'éveillant à l'Art avec plus ou moins de bonheur, ou à l'humour un peu désespéré de Ruth, l'institutrice/metteur en scène. Et au fil des chapitres, je suis tombé sous le charme de ce roman étonnant et original, plein d'humour, qui peut se lire également comme une réflexion sensible sur l'art et la beauté. "Le film" de Cypora Petitjean-Cerf (2009) Stock, 19 € Un roman lu dans le cadre du Prix de la Révélation auFeminin.com. A lire également : l'avis de Cuné. 24 mars 2009 Monsieur Madone - Maïté Bernard Monsieur Madone était l'amant de Clémentine. Médecin militaire revenu de la guerre du Golfe, il était atteint d'un cancer qu'il savait incurable et a mis fin à ses jours. Cinq ans après sa mort, après un long intermède comme reporter photo à l'autre bout du monde, Clémentine revient à Versailles, où ils ont vécu, et retrouve la famille de Monsieur Madone. Cinq ans pour enfin accepter sa mort... "Monsieurs Madone" est le quatrième roman de Maïté Bernard. C'est un roman court, très intimiste (pas trop mon truc ça...), écrit à la première personne. Il parait très autobiographique, mais si l'on en croit l'interview de Maité Bernard sur Bibliosurf, il ne pourrait en avoir que l'apparence, car l'auteur semble se plaire à brouiller les cartes et mener son lecteur en bateau (ce que ledit lecteur accepte avec complaisance : n'est-ce pas cela la lecture après tout...). Roman sur le deuil, le "travail de deuil" (comme la narratrice, je déteste cette expression), le récit, les émotions semblent authentiques et sincères : mission réussie sur ce point pour l'auteur... Monsieur Madone, c'est Hugo, l'amant de Clémentine. C'est un surnom, un jeu entre les deux amants, mais la narratrice nomme ainsi Hugo tout au long du roman. Un procédé un peu surprenant, car il fait penser à de la retenue, de la pudeur, ce qui ne semble pas vraiment correspondre au personnage, moins pudique lorsqu'elle parle de sexe. Le sexe, qui d'ailleurs tient une place importante dans le roman, pour Clémentine comme pour son entourage, par exemple pour Nicolas, le frère de Hugo : "[...] c'était le sexe, dans ce qu'il peut avoir d'immédiat, incompréhensible et générateur de catastrophes, qui avait réussi, sous les décombres de sa vie après la mort de son frère, à lui rappeler le son unique de ce qu'il était et voulait." Pour revenir à l'interview de Bibliosurf, Maïté Bernard y dévoile une partie de ses sources d'inspiration, de sa façon de travailler. On y a un aperçu de sa manière de s'imprégner du travail d'autres auteurs pour en saisir leurs rouages, leur mécanisme, plus ou moins consciemment : "Mais quinze jours plus tard, ces livres continuent à m’obséder, ça me prend la tête, et finalement, je les ai relus, j’ai noté leur plan chapitre par chapitre, et je les ai affichés au-dessus de mon ordinateur". On y apprend également que l'auteur est une amoureuse du style, du son de l'écriture. Un travail du style que l'on ressent assez peu dans "Monsieur Madone", mais il faut dire que le roman est parsemé de dialogues, qui se prêtent peut-être moins à la musique des mots, et de phrases très courtes, qui ne laissent pas vraiment cette musique s'installer. "Monsieur Madone" est un roman qui nécessite de s'y plonger pleinement, pour ne pas être désarçonné par les réminiscences du passé qui surviennent souvent sans crier gare, et pour se laisser gagner par l'ambiance un peu mélancolique d'un jardin pluvieux, un soir de décembre... "Monsieur Madone" de Maïté Bernard (2009) Ed. Le Passage, 14 € Un roman lu dans le cadre du Prix de la Révélation auFeminin.com. La critique de livres sur les blogs bientôt interdite ? Vous pensez être totalement libre de vos écrits lorsque vous publiez une critique de livre sur votre blog ? Vous l'êtes en fait peut-être un peu moins que vous ne pensez si l'on en croit la mésaventure survenue au blogueur Marc Autret. Vous constaterez que ce n'est pas le contenu de la critique (négative) qui est directement visé par l'éditeur, mais de manière plus détournée, la "contrefaçon de marque"... Je me permets de relayer ici une information lue il y a une semaine sur l'excellent Lafeuille, sous le titre Pourrons nous encore faire des critiques de livres ? et qui bizarrement ne semble pas avoir encore atteint les premiers intéressés, à savoir les blogs littéraires... Ebook du futur : une version pliable en vidéo L'objet est encore virtuel, mais nos livres ressembleront peut-être à cela dans quelques années... Vous noterez sur cette vidéo dénichée chez Aldus qu'il faut un certain coup de poignet pour piloter l'engin. Une gestuelle très tennistique, qui devrait apporter son lot de book-elbows... Dans ma boîte aux lettres... (2) ...il y avait ceci : Quatre beaux livres, quatres romans : "Monsieur Madone" de Maïté Bernard, "Les âmes fardées" de Aurore Guitry, "La locataire" de Hilary Mantel et "Il était une fois peut-être pas" de Akli Tadjer. Sympa non ? Encore plus sympa, ce matin, dans ma boîte aux lettres, il y avait tout cela : Étrange coïncidence, il s'agit de 12 des 15 livres (voir ci-dessous) sélectionnés pour le Prix de la Révélation lancé par le site Aufeminin.com. Et l'expéditeur des colis n'est autre que... Aufeminin.com. Cette histoire de jury ne serait donc pas une plaisanterie ? Je vais surveiller ma boîte aux lettres : il se pourrait qu'elle me réserve encore deux ou trois bonnes surprises dans les jours qui viennent... Mes 15 prochaines lectures, dans le désordre : - "Les mains nues" de Simonetta Greggio, aux éditions Stock - "Un bonheur insoupçonnable" de Gila Lustiger, aux éditions Stock (lu) - "Le film" de Cypora Petit et Jean Cerf, aux éditions Stock - "Traques" de Frédérique Clémençon, aux éditions L'olivier - "Enterrez-moi sous le carrelage" de Pavel Sanaïev, aux éditions Les Allusifs - "Marilou sous la neige" d’Angie David, aux éditions Leo Scheer - "La locataire" d’Hilary Mantel, aux éditions Joëlle Losfeld - "Il était une fois peut-être pas" d’Akli Tadjer, aux éditions JC Lattès - "Surdouée" de Nikita Lalwani, aux éditions Flammarion - "Mausolée" de Rouja Lazarova, aux éditions Flammarion - "Monsieur Madone" de Maïté Bernard, aux Editions du passage (lu, billet à venir) - "Les Âmes fardées" d’Aurore Guitry, aux éditions Calmann Levy - "Made in China" de J-M Erre, aux éditions Buchet – Chastel - "Une partie du tout" de Steve Toltz, aux éditions Belfond - "Le dernier patriarche" de Najat El Hahmi, aux éditions Actes Sud Dans ma boîte aux lettres... (1) ...ce matin, il y avait ce colis, un peu chiffonné. Pas de doute, il y a des livres la-dedans. Ouverture dans le prochain billet... 12 mars 2009 La vague - Todd Strasser Ben Ross est professeur d'histoire dans le paisible lycée de Gordon, aux Etats-Unis. Alors qu'il explique à ses élèves l'histoire et le fonctionnement du régime nazi, il est surpris de ne pouvoir répondre clairement à la question "Comment ont-ils pu faire cela ?". Ne trouvant pas de réponse claire, il expérimente une sorte de micro-régime autoritaire dans sa classe, avec l'espoir que les élèves finissent par trouver eux-même la réponse à cette question... Dans ce roman, Todd Strasser aborde de façon simplifiée la mise en place de mécanismes liberticides, en essayant de mettre en évidence les effets néfastes d'un groupe d'individus lorsque sa cohésion est fondée sur des principes purement autoritaires. En second plan, il montre l'évolution de l'attitude de l'enseignant, qui se laisse griser par le pouvoir. Ma première réaction, en suivant les étapes de l'embrigadement des collégiens du lycée de Gordon, a été de me dire que tout cela était un peu facile. J'ai d'abord trouvé que les collégiens acceptaient bien facilement cette soudaine autorité et qu'ils se laissaient embrigader un peu vite. Et pourtant, ce roman est en partie basé sur des faits réels, survenus dans un lycée de Californie en 1967 (le mouvement avait alors pris le nom de "Troisième vague"). Alors certes, la frontière entre la fiction et la réalité est difficile à cerner, d'autant plus qu'il semble exister peu de sources précises sur ce qui s'est réellement passé en Californie en 1967, mais l'on ne peut s'empêcher de frémir à l'idée qu'une petite partie seulement de ce récit puisse s'être déroulée. "- Je t'assure, c'est incroyable de voir à quel point ils t'apprécient davantage quand tu prends les décisions à leur place." Ce roman n'est pas un chef-d'oeuvre. L'écriture est très simple et le sujet, fascinant, aurait certainement mérité un roman plus fouillé, mais cet aspect très simple le rend accessible au plus grand nombre, ce qui, vu le sujet, est plutôt positif. Je crois n'avoir jamais pris la responsabilité de conseiller la lecture d'un livre sur ce blog : l'accueil que l'on peut faire à un livre est bien trop subjectif. Mais il n'est pas question de littérature ici. L'intérêt de ce livre est de nous faire prendre conscience que "la bête immonde" sommeille peut-être là, en chacun de nous. Ce n'est pas très réjouissant, et l'on ne se sent d'ailleurs pas très à l'aise en refermant le livre, mais qui sait si cette seule prise de conscience ne suffira pas à garder la bête ensommeillée pour longtemps encore ? Bref, une fois n'est pas coutume, je vous conseille vivement ce livre. "La vague" de Todd Strasser Pocket, 222 pages, 5.90 € Le film Ce roman a eu un grand succès en Allemagne. Il a inspiré le film du même nom, réalisé par Denis Gansel, sorti en Allemagne en 2008, sorti dans les salles françaises le 4 mars. Je n'ai pas vu ce film (toujours pas de baby-sitter). Pour avoir assailli de questions mon entourage, qui est allé voir ce film, il semblerait que le réalisateur ait pris quelques libertés par rapport au roman, mais les avis sont globalement plutôt enthousiastes. A lire également, le billet de Brize sur ce roman. Confessions d'une accro du shopping - Sophie Kinsella [Chick Lit] Je savais, en me lançant dans le challenge chick lit for men, que j'allais en baver. Mais j'étais loin du compte. J'ai pourtant choisi une valeur sûre du genre, avec "Les confessions d'une accro du shopping" de Sophie Kinsella, mais cela n'a pas rendu la tâche moins ardue pour autant. S'agit-il d'un problème de compatibilité homme/chick lit, ou suis-je réfractaire au genre ? Je l'ignore. Quoi qu'il en soit, les premiers chapitres de ce roman ont été très éprouvants. La première chose à laquelle il faut s'habituer, c'est l'emploi d'innombrables noms de marques de vetements, de maquillages et autres, dont la plupart sont à mon avis inconnus pour le lecteur masculin lambda. Ensuite, il faut s'habituer au style (pour les filles, je précise que je parle du style de l'écriture, et non du style vestimentaire de Rebecca Bloomwood...). Un exemple : "En se mariant, il espère piéger une pauvre fille qui se retrouvera coincée toute sa vie avec un petit zizi." La classe. Enfin, je ne vous étonnerai pas si je vous dis que, pour une fois, j'ai eu un peu de mal de m'identifier au personnage. D'accord, c'est une fille, ce qui complique un peu la tâche, mais c'est en plus une fille désespérément matérialiste, menteuse, inconstante, et qui a de plus le chic pour se mettre dans les situations les plus humiliantes qui soient. Et pourtant... arrivé à la moitié du roman, j'ai fini par entrer dans l'histoire. J'ai fini par éprouver un frémissement de sympathie pour cette héroïne désespérément dépensière. Pire, j'ai même ri. Et quand j'ai refermé le livre, je n'ai certes pas eu l'impression de me sentir beaucoup plus intelligent, mais je me suis senti d'humeur étrangement légère et guillerette. Ce doit être le rose... Et le bébé était cuit à point - Mary Dollinger Sous ce qui est à mon avis l'un des titres les plus moches que je n'ai jamais lu, se cache un tout petit roman finement écrit qui méritait titre plus plaisant. Pour la petite histoire, Mary Dollinger voulait appeler ce récit "Le Chat". Jacques André trouvant ce titre insuffisamment "accrocheur", elle a cherché autre chose... Et pourtant, force est d'admettre que le titre est justifié par l'histoire, ce qui n'enlève toutefois rien à son mauvais goût (la couverture n'est pas mal non plus). Mais il serait dommage de passer à côté de ce petit livre pour cette seule et finalement bien légère raison, car on y trouve quelques petites pépites d'humour, et un conte certes cruel et un peu court, mais bien tourné. Il y est également question d'un chat, ce qui ne sera pas pour déplaire à certaines d'entre vous... ;) Il faut lire également la préface de l'éditeur, d'un enthousiasme débordant pour le livre (c'est le moins que l'on puisse attendre d'un éditeur), mais qui en profite aussi pour glisser une petite réflexion assez édifiante sur le livre papier - qu'il défend avec lyrisme - et électronique - qu'il accueille avec méfiance, c'est le moins que l'on puisse dire... je cite : "Très sournoisement, on a même inventé le Livre électronique, dont la principale vertu est de ne pas conserver le texte qu'il vous délivre." C'est sûr que présenté comme cela... Pour revenir au "bébé...", ce trop petit livre a été pour moi l'occasion de découvrir Mary Dollinger (façon de parler) et m'a donné envie de profiter de cette belle écriture au travers d'un roman un peu plus copieux... Merci aux éditions Jacques André, qui m'ont gentiment, et à leurs risques et périls, envoyés ce livre. "Et le bébé était cuit à point" de Mary Dollinger (2008) Jacques André éditeur, coll. En attendant le bus, 62 pages, 5 € Les naufragés de l'île Tromelin - Irène Frain L'île Tromelin est un minuscule bloc de corail perdu dans l'océan Indien. C'est sur cette île que s'échouent en 1761 les rescapés du naufrage de l'Utile, un navire français transportant de Madagascar à l'île Maurice, alors île de France, une cargaison de cent soixante esclaves noirs. Les survivants, les Noirs et les Blancs, construiront en quelques mois avec les débris de l'épave un navire de fortune pour quitter l'île, mais à l'heure du départ, seuls les Blancs embarqueront sur une embarcation trop petite pour accueillir tous les naufragés. Les Blancs promettent alors de revenir les chercher au plus vite : les Noirs resteront sur l'île quinze ans... On ne pourra s'empêcher de penser à Robinson Crusoé en lisant cette terrible histoire basée sur des faits réels (et très documentée). Mais il s'agit là d'une version nettement moins romantique que l'oeuvre de Daniel Defoe, puisqu'elle aborde la cruelle réalité de l'esclavagisme.[1] Ce long récit est mené tambour battant par l'écriture tonique d'Irène Frain. En fait, tonique est un euphémisme. Il m'a fallu quelques pages pour m'habituer aux incursions un peu incongrues dans le texte des "bien peinard", "plus un poil de vent", "ultra-plate" ou "ultra-dure", des parenthèses bizarrement familières ou modernes. Mais si l'on se détache un peu de l'écriture, l'histoire de ces naufragés est réellement passionnante et d'actualité en ces temps de remous aux Antilles qui nous font nous pencher sur notre amer passé colonialiste. Vous devriez entendre beaucoup parler de ce roman dans les prochains jours sur les blogs de lecture, puisqu'il semble avoir été envoyé à nombre de blogueurs et de blogueuses par les éditions Michel Lafon, par l'intermédiaire de Suzanne de Chezlesfilles, que je remercie. A lire également : l'intervention d'Irène Frain dans les commentaires du billet de Cathulu sur cette lecture : l'auteur y défend de façon pertinente sa manière d'aborder la rédaction de ce récit. "Les Naufragés de l'île Tromelin" de Irène Frain (février 2009) Michel Lafon, 371 pages, 20 € [1] Modifié le 3 mars, suite au commentaire de Cécile. C'est en effet n'importe quoi. Je crois que c'est surtout la vision que j'ai de l'oeuvre de Dafoe qui est romantique. C'est l'inconvénient des lectures d'enfance. Il faut que je relise mes classiques...